La société haïtienne à la lisière du politique

À
voir le fourmillement des gens, furieux, saccageant les meubles du parlement,
expressément ceux du Sénat de la République, j'ai eu le
sentiment, question de lier ce fait à l'histoire - mauvaise manie des
intellectuels en sciences sociales d'en appeler à l'histoire à chaque fois
qu'un événement apporte une certaine épaisseur au présent-, de considérer
qu'une nouvelle prise de la Bastille vient de se produire, et que la révolution
serait en marche. Ce n'était que rêverie dans un contexte socio-politique
de profond exténuement. Puisque, en effet, il n'y a pas eu de peuple (malgré la
rumeur qui colporte l'idée que le "peuple" avait élu droit de cité à
la Chambre haute), il n'y a eu pas de Bastille (s'il est vrai que le Sénat, le
Parlement de manière générale semble devenir une caverne d'Ali Baba, on ne
saurait la comparer à la Bastille ) et non plus d'un style de pensée - la
fin du système féodal au nom de l'égalité et de la liberté (sur ce point non
plus on ne saurait trouver de comparaison. Ce qui s'est passé - n'a
eu ni rime ni raison, voire une pensée élaborée autour d'un argumentaire qu'on
pourrait discuter
Au
contraire, il s'agit de la vandalisation de l'institution la plus
caractéristique de la démocratie, posée aujourd'hui comme la conditionnalité
par excellence de l'expérience politique de notre temps, en dépit des réserves
qui sont formulées, à la démocratie, d'une région à l'autre du monde. Il s'agit
du Parlement, et précisément du Sénat. Il s'agit d'un groupe infime de citoyens
qu'on ne saurait réduire au "peuple ", peu importe le sens qu'on
aurait attribué à cette notion. Et quand on se demande, mais diable au nom de
quoi on a choisi de mettre à genou une si « prestigieuse
institution »,
qui
devrait assurer la souveraineté du peuple (?), aucune réponse, sinon qu'on peut
faire remarquer qu'en Haïti les oppositions ne se font pas au niveau de la
dialectique mais de la force nue et brutale. Il s'agit en fin de compte de
constater que la seule institution viable de la société est l'institution
paradoxale de la violence, violence d'Etat
versus violence d'individus, même combat vers la déstructuration des
institutions qui devraient assurer stabilité, bien-être aux citoyens et
développement économique de la société.
Le
plus important, à la suite de cet incident, est moins de soutenir ou de
réprouver les actes de vandalisme que de penser qu'au fond depuis le pouvoir d'Etat
du président et du gouvernement et de la force de pression de l'opposition, un
(e) mépris (e) indique la probabilité de raturer la politique en Haïti et
d'inaugurer une véritable situation d'"animalité", de "démesure”
(Richir, 1996, pp. 75-115) qui risque de nous conduire à notre propre disparition
dans l'animalisation. D’ailleurs
certains revendiquent déjà d’être des animaux
politiques Si
l'on prend au sérieux la mise en garde de Hobbes, selon laquelle à force de se
livrer à des luttes de chacun contre chacun ou de tous contre tous, pour n'avoir
pas su instituer un espace de commun-auté qui aurait comme justification
l'espace de la préservation de l'entité abstraite de la généralité ou de
l'intérêt commun ou général, on s'entre-tuera jusqu'au dernier, le
"héros" stupide, qui ne saura pas subvenir à tous ses besoins en
dehors de tous ceux dont il aurait triomphé : il
connaîtra les mêmes déboires que ceux dont il aurait triomphé. Ce qui s'est
passé au Parlement (distribution éhontée aux
sénateurs d'argent aux
fins de voter pour
une rente, saccage
des biens du Sénat) doit nous inquiéter de la direction anti-politique que nous
empruntons naïvement, pour avoir abandonné cette chose si importante qu'est la
politique aux amateurs.
Je
parle, dans le titre de la société haïtienne à la lisière du politique pour
attirer l'attention sur le grand risque que nous encourons, sur le gouffre vers
lequel nous nous dirigeons. Ici, le politique
est compris comme la sphère qui marque l'avènement d'un style de préoccupation
propre à l'homme et qui constitue pour l'homme lui-même la mise en œuvre du
commun comme condition de l'humanité.
De
la politique. Du commun et de la pluralité contre l'égoïsme
C'est
un truisme de dire que la politique s'occupe du commun. Mais, il semble être
difficile pour l'opposition politique haïtienne d'incarner le principe que la
norme de l'opposition n'est pas la violence, mais le commun qui structure les
modalités de la justice. Une fois, ce principe posé, il faut mesurer la
pertinence des choix politiques, du pouvoir ou de l'opposition, au regard de ce
qui assure le maintien du commun, son développement au profit du bien-être de
chacun et de tous. Les institutions politiques aussi sont montées dans cette
perspective d'équilibrer les lieux du pouvoir en promouvant la pluralité des
points de vue comme condition de la discussion sur les diverses modalités
d'assurer le bien -être collectif et d'éviter l'enfermement sur des choix
unilatéraux contestables. Qu'il soit du pouvoir central ou de l'opposition
politique, l'enjeu de la politique est l'épanouissement de l'ensemble des
citoyens. Au regard de ces éléments liminaires, je me propose de montrer
que le
parti au pouvoir et l'opposition
politique s'entendent
sur la destruction du commun, de la confiance des citoyens à être ensemble.
Nous
devons nous dessaisir d'une fausse évidence qui laisserait croire que le
gouvernement et l'opposition politique seraient de deux lieux différents de la
sphère politique et que leur lutte ne serait que la lutte pour le sauvetage
national. Cette évidence s'effrite rapidement si l'on revient au sens
étymologique de la politique où la cité divisée entre ceux qui dirigent et ceux
qui sont dirigés ne connaît d'opposition ou de tension qu'au regard du pouvoir
qui devient le lieu d'où l'on tire tous les honneurs. Si le commun est souvent
mis en avant pour proposer des perspectives de sa gestion depuis le pouvoir, il
est difficile de ne pas reconnaître que le souci de soi reste le grand
déterminant de la lutte pour le pouvoir et pour sa conservation. Toute la
rhétorique de la politique de l'accès au pouvoir n'est qu'élucubration d'un soi
qui cherche à s'imposer, quitte à améliorer la condition des citoyens. Cela
explique généralement, les bras de fer entre les adversaires qui passent au
premier plan leur intérêt personnel contre le commun. Il faut une longue
culture de l'abnégation, donc une culture de l'oubli de soi, pour instituer une
politique de l'intérêt commun, un penchant à créer les conditions de véritables
discussions au nom du commun. On comprend qu'il est plus facile d'avoir des
chefs de gouvernement sans scrupule qui dépensent plus de temps à échafauder
des stratégies de mise hors-jeu ou de mise à mort qu'à trouver des lignes
médianes de co-gestion de la chose publique.
En
Haïti, la situation semble prendre une tournure originale concernant
l'intensification et la densification de cette perversion de la politique :
d'une part, le constat est unanime que les chefs de parti et le président sont
sans aucune vue d'ensemble sur le commun. Cette défaillance produit à la fois
des présidents et des chefs d'opposition qui mettent à sac le pays en
détruisant les espaces communs, les espaces de communauté tout en arborant le
discours de sauvetage national, vieille rhétorique qui cache
mal davantage
l'incapacité à instituer du commun qu'à le faire advenir.
J'en
prendrai deux exemples pour rendre mon propos plus saisissant. D'un côté,
depuis plus d'une année environ nous sommes face à une présidence sans
légitimité aucune, sans signe de vie et d'intelligence sur les impasses
politiques de la société haïtienne. La seule raison qui tient le président au
pouvoir n'est liée qu'à la prétendue légalité
de son mandat
que la Constitution fixe à cinq ans. On le sait trop bien. La légalité n'est
pas la légitimité (je ne fais que le rappeler). Avoir la force de la loi,
constitutionnelle de surcroît, n'est pas encore s'assurer de la confiance, de
la reconnaissance de ses citoyens. Cet aspect est clairement refusé au
président qui ne sait pas tenir ses promesses, qui est incapable d'assurer la
sécurité alimentaire, la protection des vies et des biens des citoyens, qui se
trouve cité dans plusieurs affaires de corruption. De tels cas de figure ne
peuvent que contribuer à fragiliser l'autorité du président donc le rendre
impuissant à diriger ou à consolider le commun, incapable à mener des
discussions avec les partenaires sociaux, les membres de son parti voire
des membres de l'opposition. En ce sens, le président contribue paradoxalement
à la déstabilisation de l'ordre social, vu qu'au lieu de le consolider en
maintenant une ambiance de confiance, il n'inspire que méfiance et sentiment
d'abandon. Il est incapable à assurer le maintien de l'ordre public et
faciliter la libre circulation des citoyens en dehors de toute peur. Pourtant,
aujourd'hui ce que nous partageons en Haïti c'est la peur de l'avenir, la peur
du présent. La vie devient trop fragile et vulnérable.
Cette
impuissance crée une nouvelle situation d'"anomie" qui rend les liens
sociaux trop lâches et renforce à la fois la situation d'insécurité et le
sentiment de peur, la dépression des citoyens.
Dans
cette situation de relâchement, l'opposition
(c'est le deuxième exemple), qui ne s'est jamais pensée à partir de sa fonction
sociale et politique réelle mais s'est constamment posée par improvisation
comme vis-à-vis d'un pouvoir qui s'est toujours institué dans le non partage,
semble trouver une brèche pour s'offrir des opportunités vers le pouvoir. Elle
renforce la même dynamique d'érosion des valeurs démocratiques en se perdant
dans des projets mesquins, dans de ridicules stratégies de
renversement au lieu de souscrire aux règles de jeu dont le respect seul peut
faciliter la stabilité.
Jacky
Dahomey, philosophe guadeloupéen, a vu juste lorsqu'il présente l'héroïsme
comme la modalité de la lutte pour le pouvoir et de sa conservation en Haïti.
L'héroïsme indique le refus partagé de l'opposition ou de ceux qui sont au
pouvoir du principe de la communauté, du fait que ce qui est véritablement en
jeu dans les jeux du pouvoir haïtien concerne davantage la mise à mort que
l'amélioration de la vie (Dahomey, 2001, pp. 11-36).
L'opposition
et le pouvoir se rencontrent ou s'entendent sur le mépris de la vie et la mise
à sac de toutes les institutions qui devraient faciliter de meilleures
conditions de vie aux citoyens. Ils cultivent le mépris des institutions, à
l'exception évidemment des institutions qui peuvent mettre en danger la vie : l'armée,
l'institution policière, secondée par moment par le banditisme qui n'a jamais
cessé d'être une institution d'Etat
dès le commencement de l'histoire politique de la société haïtienne.
Ce
qui s'est produit au cours de la semaine dernière est révélateur de la
complicité d'un pouvoir qui s'est épuisé dans des pratiques de déni du commun
-on ne saurait mieux définir la corruption-, qui se perd dans des promesses non
tenues ruinant la confiance et la solidarité citoyenne au profit de l'expansion
de l'insécurité, de la "rabodayisation" de la politique et de la vie
sociale : les plus jeunes sont sans repère et les adultes sont en perte
d'autorité (quand l'autorité du président est érodée, c'est l'expérience
sociale de l'autorité qui est en crise). L'incident du 11 septembre 2019, qui
met en question l'existence même l'institution du parlement, de la démocratie,
surtout de la politique dans son sens premier de l'ordre civil contre l'horde naturelle
de la passion mortifère, est l'expression de cette ignorance de la politique
comme régime de droit auquel l'Etat
également doit se soumettre.
Cette
incapacité de l'Etat
à faire régner le droit tient aussi de cette complicité dans le mal politique
entre ceux-là qui sont au pouvoir mais incapables d'exercer le pouvoir et ceux
qui se disent de l'opposition mais se permettant tout jusqu'à la mise en péril
de ce qui les rend possibles comme opposants, l'expérience politique de la
démocratie. Comment justifier l'immixtion d'un petit groupe de gens à la
Chambre des sénateurs tout en se déclarant sénateur de la République ?
C'est une contradiction performative, qui souligne qu'on ne saurait se définir
par ce que l'on cherche à ébranler. Le grand enjeu est ailleurs. Comment
justifier sa posture de chef en démocratie, quand on ne croit pas aux règles de
jeux des institutions portées par le principe de l'entente sur les conditions
du débat : à commencer par la prohibition des toutes les formes de violence qui
invalident l'usage (public) de la raison ? Il est clair que cette manière de
faire n'appelle pas la discussion, et ne saurait faire advenir un ordre de
discussion, qui exige une grammaire partagée et le respect mutuel interdisant
l'usage de l'instrumentation comme moyen de triompher de l'autre.
Ce
qui s'est passé est un scandale qu'il faut dénoncer du fait qu'il risque de
mettre la société haïtienne à la lisière de la politique, plus proche d'un
ordre de nature ou de violence mettant entre parenthèses les institutions qui
auraient favorisé le commun, le vivre-ensemble, l'espérance et la communauté de
sens en faveur de relations nues de corps à corps. En d'autres termes, cette manière
des hommes et des femmes de la politique haïtienne de faire usage public de
l'action politique n'est qu'une tentative consciente ou non de plonger la
société dans la barbarie de l'ordre des intérêts personnels, des passions
mineures. S'ils ne s'en appellent pas à un changement de cap, nous
conduisons notre avenir de communauté politique vers une horde de prétentieux
qui se concurrencent dans la bêtise. C'est là le plus grand risque !
Réinventer
la politique haïtienne
L'historiographie
des luttes pour l'accès et pour la conservation au/du pouvoir politique dans la
société haïtienne a permis de constater que la mise à mort ou la mise hors-jeu
constituent la véritable intentionnalité des acteurs politiques haïtiens.
La statistique sommaire des chefs d'Etat
ayant été contraints d'écourter leur mandat montre qu'une longue tradition et
une dynamique incessante de contestation du pouvoir par l’opposition, généralement fabriquée à l’occasion, constitue la
toile de fond de la politique haïtienne. Ce constat historiographique justifie
la lecture proposée par Jacky Dahomey concernant les formes de lutte à mort que
se livrent les opposants au chef d'Etat
qui accède souvent au pouvoir pour avoir gagné cette lutte à mort. Selon Jacky
Dahomey, l'histoire politique d'Haïti est l'histoire de ceux qui se livrent une
guerre mortelle dont l'issue se résout dans la victoire de l'un qui accède au
pouvoir et la mort (symbolique ou non) de l'autre laissant sa place à d'autres
prétendants. L'important de cette lecture n'est pas seulement la figure du
héros reprise de Hegel et qui livre une clé importante pour la compréhension de
la dynamique électorale, des luttes militaires pour le contrôle du pouvoir
politique. Dahomey propose en plus de cela une piste que je ne pourrai pas explorer
en détail ici mais qui doit retenir l'attention. En effet, ce que le concept
d'héroïsme met au clair c'est une propension haïtienne à se livrer à des
relations socio-politiques
nues, dépourvues d'aucun cadre légal. Ce sont des relations de corps à corps où
est en jeu non la préservation de la vie, la vie de l'autre, mais plutôt son
effacement, sa mise à mort qui manifeste un besoin impérieux d'être seul pour
jouir sans partage du pouvoir. Cette analyse originale renvoie à la théorie du
panier de crabes qui montre, combien à force que les acteurs veulent annuler
chacun ou tous par manque de solidarité ou de sens commun, qu'ils
s'anéantissent l'un l'autre par souci de triompher seul et pour soi.
Donc,
une dynamique suicidaire semble travailler la politique haïtienne qui porte en
dernière instance l'annulation du commun, de la possibilité même de la
politique du fait que le pouvoir et l'opposition en cherchant à se mettre
hors-jeu l'un l'autre transforment les citoyens en chairs à canon, en victimes
collatérales.
Mise
à part, la mise à mort que je dégage comme fondation de l'être l'un à côté de
l'autre (on n'est pas ensemble en Haïti du point de vue de la politique qui
exige des règles de vivre-ensemble. Je tiendrais plutôt l'idée qu'on est l'un à
côté de l'autre. Les exigences quotidiennes nous forcent à improviser des modus
operandi, qu'on
négocie selon les humeurs et les opportunités), la politique haïtienne renferme
une réalité plus fondamentale, celle du caractère émotionnel ou singulier des
formes d'agir qui se soumettent difficilement aux règles générales ou aux
formes d'abstraction ou d'impersonnalisation des institutions. En dernier lieu,
ce ne sera pas trop forcer le trait de soutenir que le nœud du problème
politique haïtien est dans cette forme de vie soutenue par la prédominance du
particulier, du singulier, du personnel sur le général et l'impersonnel. Cette
prédominance explique à son tour la personnalisation des institutions, la
culture des relations rarement médiées
par la généralité du droit, le clientélisme, le favoritisme, etc.
Cet
habitus est aussi présent chez ceux qui sont au pouvoir que chez ceux qui sont
dans l'opposition, qui ne sont que des hommes du pouvoir, en attente de la
prochaine mise à mort. Que je saisisse la question du point de vue du
pouvoir, comme on dit, ou du point de l'opposition, l'oubli de la
société représente l'invariant, l'usage des pauvres gens comme chairs à canon
dans des luttes qui ne les concernent guère, montrent l'unité du pouvoir
politique haïtien : ne pas s'occuper de la société, inventer des pratiques
diverses de mise à mort, invalider les règles par les improvisations, prioriser
l'informel sur le formel. Cette posture aussi répond bien au souci du pouvoir
et de l'opposition de ne pas s'enfermer dans les corsets étroits du droit.
Dans
ce dispositif, il devient facile de comprendre la raison pour laquelle
l'opposition qui pullule comme de mauvaises herbes se refuse toute forme
d'institutionnalisation et se met toujours en bonne entente avec les
gouvernements au détriment du plus grand nombre des citoyens. L'exemple que
j'avance est très significatif. Il renvoie aux allocations qui ont été
accordées aux partis politiques (là non plus les critères n'étaient pas trop
pertinents) pour leur structuration alors qu'aucune structure d'évaluation n'a
été mise en place pour vérifier le bon usage de cet argent. Actuellement, aucun
rapport n'est disponible pour observer le niveau de structuration de ces partis
qui avaient bénéficié des financements publics, aucun rapport n'a été fourni
pour justifier l'emploi de cet argent. Aucune voix du gouvernement ou des
partis de l'opposition n'a jugé bon d'informer les citoyens : ils s'unissent
dans le silence et des pratiques similaires de corruption et de corrosion de la
politique. Au contraire, ces partis d'opposition deviennent des cadres de
silencement, qui confisquent les revendications populaires pour mieux les
étouffer vu qu'ils n'ont ni légitimité, ni crédibilité de contester les
mauvaises pratiques des gouvernements et n'ont jamais proposé quoi que ce soit
de pertinent sinon des notes de presse enflammées. Ils sont aussi absents que
les gouvernements sont sans
vision pour inventer
l'avenir en Haïti. Ils partagent la même courte vue sur la chose haïtienne et y
font face par les mêmes inaptitudes à formuler les bonnes questions et proposer
de véritables perspectives de sortie de crise et la lancée d'Haïti vers
l'autonomie politique, économique et financière. Tous, membres du
gouvernement, membres de l'opposition, reçoivent leurs dictées des ambassades occidentales.
Ils se confondent en rhétorique creuse qui témoigne constamment leur méprise ou
leur mépris de l'état de misère existentielle de leurs concitoyens.
La
conséquence à cette dépression généralisée est l'irruption d’individus ("historiques"
?) qui se dressent en porte-parole tout en réactualisant la pratique héroïque
de neutralisation des institutions et de l'aplanissement des normes vers un
populisme béat et dangereux, puisqu'au fond aucun de ces leaders solitaires ne
rendent service aux citoyens dont le sens est dans la culture du droit, dans
l'épreuve des règles impersonnelles des institutions.
Il
faut ré-inventer la politique haïtienne tout en inventant l'opposition. Cela
devra passer par la critique préalable de la culture de la mise à mort comme
procès d'une passion qui détruit la politique : la haine de soi, qui rend
difficile l'institution du comm-un puisqu'elle enferme les individus
dans leur individualité en générant une
atomisation généralisée, un difficile avènement de la politique comme quête du
commun autour de la pluralité qui appelle la discussion. Il faudra procéder à
l'invention, après l'élaboration de l'anthropologie critique haïtienne, des
pratiques soumises aux règles de la justice et du respect de la dignité
humaine. Tout programme financier, économique et éducatif, toutes
nos relations aux autres Etats devront être au regard de cette éthique. Mais,
il faut voir là l'ébauche de tout un programme théorique.
Dr.
Edelyn DORISMOND
Professeur de philosophie au Campus
Henry Christophe de Limonade -UEH
Directeur de Programme au Collège
International de Philosophie - Paris
Directeur de l'IPP
Directeur du comité scientifique de CAEC
(Centre d'Appui d'Education à la Citoyenneté)
Responsable de l'axe 2 du laboratoire
LADIREP
Références :
-
Jacky Dahomey,"La
tentation tyrannique haïtienne", Chemins critiques, vol.
5, no 1, 2001, pp. 11-36.
-
Marc Richir, "Affectivité
sauvage, affectivité humaine: animalité et tyrannie", Epokhè, no 6, Grenoble, juin 1996, pp. 75-115.
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